Sauvons les arts: appel aux gouvernements nationaux
Vous pouvez lire le plaidoyer en français ci-dessous ou le télécharger en PDF dans les langues suivantes : anglais, français, espagnol, catalan, italien, allemand, islandais, arménien, grec, slovaque, finnois et danois.
Cet appel a été conçu et formulé par IETM et cosigné par Circostrada, European Theatre Convention (ETC), IN SITU, European Dancehouse Network (EDN), European Festivals Association (EFA) et Trans Europe Halles (TEH).
Depuis le début de la pandémie de coronavirus, une très grande partie de la population mondiale - des personnes issues d’horizons, groupes d’âges, valeurs et conditions sociales les plus variés - s’est vue confrontée à un arrêt brutal de la quotidienneté. Les rencontres physiques sont régulées et limitées. Certaines personnes traversent des difficultés financières inattendues, pendant que d’autres souffrent d'anxiété et de problèmes de santé. À tout cela s’ajoute une grande incertitude face à l’avenir, génératrice d’une immense source de détresse sociale, qui laissera une marque indélébile sur nos sociétés.
Comme souvent en temps de crise, nous avons recours aux arts : littérature, musique, films, photographies, musées virtuels, spectacles de danse et de théâtre diffusés en ligne ou bien réalisés dans l’espace public, tout en respectant les gestes barrières. Les arts continuent de faire montre d’une énorme capacité à nous relier les uns aux autres, même lorsqu’il est impossible d’être ensemble physiquement. La culture améliore le bien-être des personnes, stimule la créativité, et donne des possibilités d’action à ceux qui manquent d’espoir. Les arts permettent de mettre la réalité en perspective, de la sonder selon un prisme critique, et d’imaginer un futur meilleur, même lorsque l’incertitude semble insurmontable. Nous sommes aux portes d’une nouvelle réalité et il nous appartient de trouver la force individuelle et les ressources collectives pour transformer cette crise en une opportunité de construire un avenir meilleur. Sans aucun doute, les arts font partie des solutions.
Parallèlement, le secteur culturel - en particulier le spectacle vivant - a été le premier à souffrir de la première vague de mesures prises par les gouvernements afin de répondre à la pandémie de COVID-19. De plus, ils seront probablement les derniers à pouvoir reprendre leurs activités, une fois les mesures de confinement graduellement levées. Ainsi, la crise actuelle - qui ne dure pourtant que depuis quelques semaines - pose d’ores et déjà une menace existentielle pour des millions d’artistes indépendants et de petites organisations.
La crise liée au coronavirus a eu des effets préjudiciables sur l’écosystème du spectacle vivant qui - déjà fortement vulnérable - se caractérise par un nombre élevé de travailleurs indépendants, temps partiels, et emplois flexibles, qui jouissent d’un accès limité aux prestations sociales. De plus, pour de nombreuses compagnies artistiques, festivals et professionnels de la culture, la crise a éclaté à un moment crucial de l’année, duquel ils tirent une part substantielle de leurs revenus annuels.
À l’échelle de la planète, la communauté artistique a su faire preuve d’une très grande solidarité et montrer beaucoup de créativité à l’heure de composer avec cette nouvelle réalité. Cependant, il est évident qu’il appartient aux gouvernements nationaux de soutenir le secteur culturel qui - tout en contribuant au développement de l’économie - compte parmi les ressources sociales les plus dynamiques et possède une incroyable valeur intrinsèque.
Par conséquent, nous appelons les gouvernements nationaux à mettre en place les mesures suivantes, afin de répondre à la gravité du moment et d’assurer la viabilité du secteur culturel sur le long terme :
- Permettre aux artistes et aux professionnels de la culture d’accéder aux allocations chômage et prestations sociales, et compenser les pertes inhérentes à la crise du COVID-19.
- Soutenir la culture et les arts à travers L’Initiative d’investissement de l’UE en réaction au coronavirus [1].
- Créer des fonds d’urgence et de solidarité pour le secteur culturel, en dehors des budgets existants au sein des ministères de la culture et des conseils des arts. Ces instruments doivent être mis en place à partir de finances issues d’autres lignes budgétaires, consacrées spécifiquement à atténuer les conséquences de la crise du COVID-19.
- Faire preuve de souplesse envers tous les programmes de financement existants afin de permettre à leurs bénéficiaires de décider s’ils doivent reporter, annuler ou transformer leurs activités, ou bien étendre le cycle de financement du projet.
- Augmenter l’investissement alloué à la culture et les arts en 2020, et au-delà, en vue d’assurer leur renaissance et leur viabilité.
- Préserver les budgets dédiés à l’internationalisation, qui sont essentiels au renforcement des capacités et au développement de la scène artistique locale.
- Engager un vaste débat sur la nature actuelle du statut de l’artiste en vue d’assurer la viabilité des carrières, des pratiques et des activités des artistes, ainsi que leur liberté d’expression, leur reconnaissance sociale et financière et leur bien-être individuel.
- Explorer la possibilité d’introduire un revenu universel de base pour protéger les individus de futures crises et de situations de force majeure.
- Intégrer la culture et les arts à la revitalisation économique et sociale ainsi qu’à de futures stratégies de transformation, afin de reconnaître leur immense valeur pour le bien-être des citoyens et leur capacité à fédérer, même dans les moments où il est impossible d’échanger et de partager.
Nous demandons à ce que les mesures citées ci-dessus, ainsi que toute autre mesure qui s’avérerait nécessaire soient mises en œuvre en vue de définir une stratégie à long terme pour le renforcement du secteur, ainsi que pour relancer les sociétés et l’économie dans son ensemble, tout en maintenant un dialogue inclusif et continu avec les artistes et les opérateurs culturels.
[1] Pour les états membres de l'UE (Royaume-Uni compris).
Version française par Laura Gérard et Stéphane Segreto-Aguilar (Circostrada / ARTCENA)